C’était une brume incertaine,
à peine un souffle trouble,
la buée d’un souvenir.

D’une forêt de chênes,
d’une aube cristalline et cinglante,
ses yeux étaient venus conter
les éternels ailleurs,
les rêves de cimes indigo.

J’aime ta taille étroite,
lui avait-elle murmuré,
et le creux clair de ton coude
si tiède sous la laine sombre
et les larmes que tu portes
et les ombres de tes matins.

    Il essuya la pluie sur son front
    Et ses doigts étreignirent l’absence
    Comme on peigne le vent.

C’était une fièvre à fleur d’eau
où tournoient lentement les pétales incarnats,
un baptême d’oubli et d’abandon.

Des longues herbes tendres,
d’un zénith sucré,
l’ovale de ses bras avait éveillé
le pépiement des coquelicots,
l’éblouissement mat de la soie.

Donne-moi le Kilimandjaro,
avait-elle imploré,
et le Mont Fuji,
et la dentelle d’écume du Jaizkibel.
J’aime les frêles sentiers de tes lèvres
leurs mots transparents,
les étoiles de tes mains,
et l’urgence de tes jours.

    Il roula dans sa paume la pierre à ricochets,
    Mais ses doigts étreignirent l’absence,
    Comme on peigne le vent.

C’était l’effroi d’un rivage fugace,
une éclosion évanescente
à la fragilité d’un songe.

Du ressac et des brisants,
d’un crépuscule aux nuées obstinées
sa nuque avait tracé
l’esquisse d’un envol,
l’éphémère pesanteur de la plume.

Je perdrai la courbe de tes ailes,
avait-elle souri,
le tranchant de tes cils,
la pudeur poudrée du mimosa.
Mais je saurai le désert et les astres,
et la nuit, et demain,
ne laisser en ta bouche
que l’amertume d’un éclat d’ambre.

    Il pressa les pétales sur son visage,
    Et ses doigts étreignirent l’absence,
    Comme on peigne le vent.

Sevan L’Hostis